Alimentation ephad en Belgique : enjeux nutritionnels pour les personnes âgées en situation de handicap

Alimentation ephad en Belgique : enjeux nutritionnels pour les personnes âgées en situation de handicap

Quand alimentation et handicap se croisent en maison de repos

Dans les établissements résidentiels pour personnes âgées (EHPAD, ou maisons de repos en Belgique), l’alimentation n’est pas seulement une question de goût : c’est une question de santé, d’autonomie, et parfois même de dignité. Lorsqu’on y ajoute la variable du handicap, les enjeux deviennent plus complexes, mais aussi plus essentiels à aborder.

En tant qu’ancien ergothérapeute, j’ai trop souvent vu des résidents en situation de handicap devoir s’adapter à des repas standardisés, mal adaptés à leurs besoins spécifiques. Pourtant, quelques ajustements bien pensés peuvent considérablement améliorer leur qualité de vie.

Les réalités nutritionnelles en EHPAD : un terrain fragile

Vieillissement, pathologies chroniques, troubles cognitifs, perte de mobilité… Tous ces facteurs influencent à la baisse l’appétit, la capacité à mastiquer, à digérer ou même à exprimer ses préférences. À cela s’ajoute parfois un handicap moteur ou neurologique qui vient compliquer davantage la prise des repas.

Résultat ? On observe chez une grande majorité de résidents une malnutrition latente, voire déclarée. En Belgique, certaines études ont montré que plus de 30 % des personnes âgées en maison de repos sont touchées par la dénutrition. Et cette tendance est exacerbée chez les personnes en situation de handicap important. C’est un cercle vicieux : la perte d’autonomie entraîne une moindre alimentation, qui elle-même aggrave la fragilité physique.

Handicap et alimentation : des besoins spécifiques souvent oubliés

On ne mange pas de la même manière avec une hémiplégie, une maladie de Parkinson ou une sclérose en plaques. Pourtant, dans beaucoup d’établissements, les plateaux-repas sont les mêmes pour tous. Cela pose problème, pour au moins trois raisons :

  • Problèmes de déglutition (dysphagie) : fréquents chez les personnes cérébro-lésées ou ayant certaines maladies neurodégénératives.
  • Difficultés motrices : impossibilité de couper les aliments, difficulté à porter les aliments à la bouche, tremblements…
  • Fatigue cognitive ou mentale : repas trop longs, environnement bruyant ou stressant qui empêchent une bonne concentration sur l’acte de manger.

Face à cela, plusieurs solutions existent, mais elles demandent de la formation, de l’anticipation, et surtout une réelle volonté d’individualisation.

Trois principes d’une alimentation adaptée en EHPAD

Voici trois leviers concrets pour améliorer la nutrition des résidents en situation de handicap.

Adapter les textures

On ne le dira jamais assez : passer en texture modifiée (hachée, mixée, moulue, lisse…) ne doit pas être synonyme de repas fade ou répugnant. Trop souvent, les plats en texture mixée sont servis froids, sans forme ni couleur. Résultat ? Moins de plaisir, moins de prise alimentaire.

Quelques pistes intéressantes que j’ai observées sur le terrain :

  • Reformer les purées en leur redonnant la forme initiale des aliments (exemple : purée de carottes moulée en forme de carotte)
  • Colorer ou épicer légèrement les préparations pour stimuler l’odorat
  • Servir les aliments dans de la vaisselle contrastée pour les personnes malvoyantes

Favoriser l’autonomie autant que possible

Un résident atteint de la maladie de Parkinson pourra parfois manger seul s’il dispose d’un couvert adapté ou d’un support de bras. Pourquoi continuer à le nourrir à la cuillère si un simple ustensile thérapeutique ferait l’affaire ?

Une bonne prise en compte de l’environnement (position d’alimentation, hauteur de la table, stabilité de l’assiette) peut faire une énorme différence. De petits gestes peuvent maintenir une grande dignité :

  • Servir les repas dans un cadre calme, sans va-et-vient incessant
  • Adapter les horaires en fonction de la fatigue du résident
  • Offrir le choix dans le menu, même sommairement

Impliquer les proches et le personnel

Les professionnels de soins font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord, mais c’est souvent en discutant avec les familles qu’on obtient des clés importantes : habitudes alimentaires, goûts particuliers, gestes reflexes conservés…

Il m’est arrivé de voir un résident reprendre du poids simplement parce que les soignants ont découvert qu’il adorait tremper son pain dans le café, ce qui lui permettait de consommer plus de calories sans s’en rendre compte. Une astuce toute simple, mais qu’il aurait été impossible de deviner sans un échange avec sa fille.

Pourquoi ne pas organiser des ateliers participatifs dédiés à l’alimentation ? Ou même des journées « menus souvenirs » où les familles proposent des recettes ? Dans certaines maisons de repos où j’ai travaillé, ces initiatives ont aussi relancé l’appétit… et les conversations au moment du repas.

Le rôle central de la pluridisciplinarité

Pour répondre aux défis nutritionnels des résidents en situation de handicap, il ne suffit pas d’improviser. Il faut s’entourer :

  • Un(e) diététicien(ne) peut adapter les menus, surveiller les apports caloriques, proposer des compléments
  • Un(e) ergothérapeute évalue les capacités motrices à table, propose du matériel adapté et guide le personnel sur place
  • Un(e) orthophoniste intervient sur les troubles de la déglutition et conseille sur les textures adaptées

Ce trio, complété bien sûr par les familles et les aides-soignants, est la base d’une démarche nutritionnelle cohérente et personnalisée.

Des initiatives belges qui changent la donne

Certains établissements belges commencent à relever le défi avec brio. À Mons, une maison de repos a formé tout son personnel aux troubles de la déglutition, avec l’aide d’un centre logopédique local. Résultat : baisse des fausses routes alimentaires, moins de complications respiratoires, et une meilleure prise alimentaire globale.

En Flandre, un réseau de maisons de repos a mis en place un plan nutrition individualisé incluant une réunion mensuelle avec la famille et les thérapeutes. Une approche chronophage à première vue, mais qui permet une réduction notable des hospitalisations liées à la dénutrition.

Ce sont des exemples inspirants, reproductibles, et surtout à portée d’action. Le matériel existe, les solutions aussi. Ce qu’il manque souvent ? Un pilotage fort et la volonté claire de prioriser la nutrition comme élément clé du projet de soins.

Dans l’assiette, plus qu’un repas…

Manger, ce n’est pas seulement se nourrir. Pour les personnes âgées en situation de handicap en milieu résidentiel, c’est souvent le dernier espace de plaisir sensoriel, de choix personnel… et de lien social significatif.

En tant que professionnels, proches ou aidants, notre rôle est d’écouter, d’observer, et de répondre à ces besoins spécifiques avec des solutions simples mais efficaces. Car bien manger, jusqu’au bout, devrait rester un droit. Et parfois, une petite cuillère bien pensée vaut mieux qu’une potion magique.

Et vous ? Avez-vous déjà vu des initiatives qui ont redonné à l’alimentation sa place d’honneur chez les personnes âgées en situation de handicap ? N’hésitez pas à les partager en commentaire, c’est ensemble qu’on avance… debout !